
“Pourquoi le Sénat a-t-il rejeté la consigne des bouteilles plastiques ?” Par des titres accrocheurs, je sais que beaucoup d’entre vous se sont posé cette question et ont été très étonnés de lire que le Sénat était contre le retour à la consigne. Nous pourrions résumer la réponse en une interrogation :
“Pourquoi revenir à la consigne alors que depuis des années les collectivités locales investissent massivement dans le tri des déchets ?”
Le Sénat a adopté en première lecture vendredi 27 septembre, le projet de loi sur l’économie circulaire mais amputé de la mesure qui prétend améliorer la collecte et le recyclage des contenants en plastique, soutenus par les collectivités locales, les ONG environnementales et les associations de consommateurs.
Revenir à la consigne sous-entend que les bouteilles en plastique seront réutilisées après traitement, ce qui n’est pas le cas. Aujourd’hui, les bouteilles collectées dans la poubelle (ou le sac) jaune sont destinées à être recyclées. Les intercommunalités ont massivement investi dans le tri sélectif depuis des années, ce n’est pas pour tout changer aujourd’hui !
Le produit de ce recyclage est revendu aux industries, ce qui représente une source de revenu pour les collectivités. Beaucoup d’entre elles gèrent la collecte via les bacs/sacs/poubelles jaunes et revendent les bouteilles aux recycleurs. Le changement de système leur ferait perdre 12 millions d’euros, ce que le ministère de la transition écologique reconnaît.
• Avant-Garde
Dans L’Yonne nous avons fait partie des territoires pilotes dès 2015 en expérimentant la simplification du geste de tri et l’extension des consignes. “Plus c’est simple, plus les gens adhèrent”, déclarait récemment le président de la communauté de communes du Jovinien dans L’Yonne Républicaine.
Alors pourquoi réinventer quelque chose de compliqué, puisque que tout a été simplifié, au point de venir chercher les plastiques devant la porte de nos maisons ?
• Économie
Si le principe de la consigne se remettait en place, le volume de bouteilles consignées non rendues représenterait un gain de 200 millions d’Euros laissé aux entreprises agro-alimentaires et grèverait financièrement des intercommunalités qui ont massivement investi. Ces 200 millions d’euros représentent l’addition de tout ceux qui auraient payé 15 centimes la bouteille mais qui ne viendraient jamais la rendre pour récupérer ces 15 centimes…
Cela inciterait à “donner une prime à la production de plastique”, comme le disait la rapporteure du texte, la sénatrice Marta de Cidrac. Si l’on se réfère à l’exemple allemand, la consigne a engendré une hausse des “contenants à usage unique”, représentant des milliers de bouteilles en plastique dans la nature…
Voilà pourquoi nous n’avons pas voté cette mesure.
J’ai d’ailleurs rencontré Nicolas Soret, président de la commission déchets de l’AMF (Association des Maires de France) pour parler de ce projet de loi sur l'économie circulaire. Nous avons échangé sur la collecte et le tri des déchets par les collectivités locales. Pour lui comme pour moi, la consigne des bouteilles en plastique « remet en question le modèle économique du recyclage ».
Depuis plusieurs années, les collectivités ont fait des progrès remarquables en la matière. Il ne faudrait pas que ces efforts et investissements soient balayés par ce Projet de loi !
En résumé :
Si le projet de loi initial comporte des dispositions tendant à :
• Renforcer l’information du consommateur, • Interdire l’élimination des invendus des produits non alimentaires encore utilisables, • Renforcer la responsabilité des producteurs et mettre en place de nouvelles filières à responsabilité élargie des producteurs, • Instaurer un nouveau cadre relatif à la vente et aux conditions de reprise des produits usagés et la responsabilisation des plateformes internet de vente en ligne…
Les Sénateurs ont :
- Interdit les microplastiques ajoutés par les industriels dans les produits de consommation courante, dont 36.000 tonnes par an s'infiltrent dans l'environnement via les eaux usées, - Inscrit dans la loi l’objectif de 100% de plastique recyclé d’ici au 1er janvier 2025,
- Étoffé le volet "antigaspi" avec des mesures concernant les invendus alimentaires : renforcement des contrôles de la qualité des dons aux associations, augmentation de l’amende sanctionnant la destruction de denrées alimentaires consommables,
- Interdit, à compter du 1er janvier 2021, la distribution gratuite de bouteilles en plastique dans les établissements recevant du public,
- Encouragé le développement de la vente en vrac et l’installation des corbeilles de tri dans l’espace public.
Le Sénat est donc bien favorable à l’arrêt de la “dispersion” des plastiques dans la nature !
Mais hélas, le gouvernement ne renonce pas à son idée de consigne des bouteilles plastiques. Ces propositions doivent maintenant être débattues à l’Assemblée Nationale lors de l’examen du texte, sans doute en novembre ou décembre.