L’insertion est capitale dans nos territoires et c’est l’une des raisons pour lesquelles je me suis rendue en mai à une table ronde organisée dans le cadre de l’Assemblée Générale de TOnYC, l’association des onze Ateliers/Chantiers d'insertion de l’Yonne qui sont impliqués dans la lutte contre le chômage.
J’avais déjà visité l’entreprise Chênelet en Avril, l’un de ces chantiers d’insertion, entreprise engagée depuis 30 ans dans l’économie sociale & solidaire, oeuvrant pour l’insertion par l’activité économique des personnes éloignées de l’emploi, avec plus de 200 salariés en parcours d’insertion ! Ils ont récemment investi dans une machine dont le rôle est de former des personnes au certificat de qualification professionnelle interbranches (CQPi) "conducteur d’équipements industriels” et au certificat de qualification paritaire de la métallurgie (CQPM) “équipier autonome de production industrielle”. Cette entreprise souhaite ainsi améliorer sa capacité et sa qualité de formation dans des domaines qui recrutent.

Le Président de TOnYC est Erik Polrot, formidable Directeur des “Jardins de la Croisière”. En synergie avec Pôle Emploi, les chantiers d’insertion sont des entités fondamentales pour l’élue que je suis, motivée par le développement économique de notre région. Ces entreprises ne seraient rien sans la passion de ceux qui les dirigent.
C’est pourquoi je vous propose de découvrir le parcours d’Erik Polrot :
“Ce sont les hasards de la vie m’ont mené à un poste de direction d’une structure d’insertion. J’ai beaucoup voyagé, j’avais envie de faire des choses pratiques, dans le végétal parce que j’avais une formation agricole, et puisque j’avais le sens du beau je voulais faire des choses esthétiques. J’ai vécu en Afrique où ce que je voyais n’était pas toujours “très beau”, j’ai aussi travaillé avec des handicapés. Au fil du temps, cela m’a amené à prendre la direction d’un chantier d’insertion, depuis + de 20 ans maintenant. On entretient des parcs, des propriétés, donc nous sommes dans la continuité de mes idées d’il y a 30 ans. Aujourd’hui, je dirige un “jardin de Cocagne" comme il y en a d’autres en France, cent exactement. On a l’obligation de produire des légumes bio. Mais c’est aussi un choix de participer à l’évolution des territoires et à la demande de la société qui veut toujours plus de produits bio, en tout cas à la demande des citoyens qui ont le souci de leur santé, du bien-être et de l’environnement, avec moins de pollution des eaux et de la terre. L’agriculture bio est une évidence pour nous.”
Les Jardins de Cocagne sont des exploitations maraîchères biologiques à vocation d’insertion sociale, créés à partir d’associations loi de 1901 à but non lucratif.
Les Jardins distribuent des paniers de légumes hebdomadaires à destination de leurs adhérents*.
“Les Jardins de la Croisière, le chantier que je dirige ont été créés par la Chambre d’Agriculture. Je leur rends des comptes régulièrement et ils voient les résultats de nos productions et les résultats que nous avons sur l’insertion. Le maraîchage bio est un excellent support d’insertion. L’idée des tables rondes, notamment celle où Madame Vérien était présente (très à notre écoute d’ailleurs) était excellente. En fait, l’idée était multiple : • Le premier point était de réunir tous les chantiers d’insertion autour d’un événement, donc une visée interne, avec ce regroupement départemental des 11 chantiers d’insertion. • La deuxième visait à rencontrer des élus du territoire, intéressés et motivés par le travail sur l’insertion par l’activité économique. • Et puis le troisième objectif était d'échanger avec Dominique Vérien sur l’actualité législative ou encore sur le plan pauvreté qui va sans doute venir impacter dans un sens ou dans l’autre notre activité. Aux Jardins, nous recevons tous les publics, des jeunes et des moins jeunes. On a des résultats très intéressants puisque l’on dépasse notre objectif : nous avons une obligation de résultat de 60% de “sorties positives” , c’est-à-dire des gens qui quittent notre structure soit sur un emploi, soit sur une formation qualifiante. On dépasse l’ensemble des chantiers de l’Yonne : mon chantier a fait 70% de “sorties dynamiques”. Quant à notre financement, il faut reconnaître que notre modèle économique n’est pas évident. On doit s’autofinancer au maximum, si possible à hauteur de 30%. Ensuite les 70% qui restent : 50% c’est la subvention des salaires des gens qui sont chez nous et on doit aller chercher les 20% qui manquent pour boucler notre budget. Nous ne sommes pas des structures avec des assises solides, donc c’est compliqué d’avoir des prêts bancaires et on peut très vite se retrouver dans la difficulté. Et puis les subventions européennes baissent, même si celles du département restent et qu’elles sont plus fortes qu’ailleurs, elles diminuent malgré tout… On doit faire évoluer nos dynamiques pour être plus dans de l’économique et “un peu moins dans du social”. C’est ce que nous vivons depuis une dizaine d’années et de manière plus forte depuis 5 ans. Devenir des “gestionnaires” pourrait apparaître comme frustrant si nous ne changions pas notre fusil d’épaule, si nous ne nous adaptions pas ! Tous, les uns après les autres, c’est ce que nous faisons dans la direction des chantiers. Mais être pertinents dans la gestion et aller chercher des appuis, ça peut être des challenges et ça ne s’oppose pas à accueillir de façon professionnelle sur un lieu de travail des personnes loin de l’emploi. Nous devons être pertinents sur les deux champs… Nos rapports avec Pôle Emploi sont très bons : ils pilotent la formation ! Par-delà le contrat de travail on met en oeuvre des outils qui rapprochent les employés de l’emploi. C’est aussi Pôle Emploi qui valide l’entrée ou non des personnes dans notre chantier d’insertion. C’est un partenaire incontournable. Nous avons tous le même objectif : que ceux qui viennent chez nous quittent l’assistanat et qu’ils retrouvent du boulot ! Nos chantiers sont ouverts à une grande mixité de publics. Quelques migrants, des gens en rapport avec la justice ou qui sortent de détention ou qui ont des TIG à réaliser, des gens dans l’assistanat depuis 20 ans mais aussi des gens qui viennent de perdre leur boulot, qui ont une rupture personnelle, divorce ou autres et descendent l’échelle… Un contrat de travail devient très important pour eux. Quant à ceux qui n’ont jamais travaillé, nous leur donnons un cadre. L’Yonne est un département rural et un département de passage. Les infrastructures ne sont pas celles des grandes villes et la première étape à travailler, c’est la mobilité ! Ceux qui arrivent de Paris ou d’ailleurs n’ont pas tous le permis de conduire. On travaille la mobilité dans le transport et la mobilité dans la tête. On peut vivre à Auxerre mais devoir faire 20 km pour aller travailler ! La seconde étape est le manque de qualification ou le manque d’expérience professionnelle. Par exemple, on peut avoir un job demain à 20 km, mais sans permis et sans qualification, c’est compliqué… si pour certains on ajoute des problèmes de santé, de logement, de dettes… Un contrat de 7 mois chez nous permet de résoudre beaucoup de problématiques particulières. Il faut faire du cas par cas, identifier les besoins de chacun pour vite attaquer les démarches vers l’emploi. Pour cela, il faut être dans un cadre cohérent, agricole. Agricole ça veut dire qu’il y a de la terre. L’été il fait chaud, l’hiver il fait froid, il y a des saisons, il faut s’adapter au climat et ça recadre dans le réel ceux qui sont déconnectés et qui passent leur journée devant des écrans, dans le virtuel. Nous sommes en plus dans l’air du temps : toutes nos activités sont en circuits courts. Les chantiers d’espaces verts sont faits dans un rayon de 30 km autour de Sens, tout est distribué autour de Sens. On est vraiment un acteur de l’activité locale. Les médias ne montrent que ce qui ne va pas mais il y a plein de choses qui vont bien ! C’est pour ça qu’on s’entend bien avec Dominique Vérien qui connaît bien les territoires ruraux et les initiatives qui en émergent, avec les structures d’insertion et autres. Elle a une démarche très citoyenne. Elle essaie de comprendre les choses, elle se fait un avis puis elle “pousse" dans le bon sens”.
Effectivement, je soutiens toutes les initiatives qui vont dans le sens d’un retour à l’emploi. Vue de Paris ou d’ailleurs, notre région semble être une région où le bon vin et la nourriture qualifient un style de vie. Hélas, quand on sort du cliché, la réalité est différente et nous avons nous aussi des problématiques complexes à résoudre.
C’est pour cette raison que ces entreprises me trouveront toujours à leurs côtés pour “pousser” les bonnes initiatives.
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* Wikipédia